« La France doit s’appuyer sur les structures comme les SRC pour aider au développement de filières. »

Jean-Yves Le Déaut Vice-président de l’OPECST et Député de Meurthe-et-Moselle

Propos recueillis par l’ASRC

Vous avez remis, début 2013, au Gouvernement un rapport intitulé « Refonder l’université, Dynamiser la recherche, mieux coopérer pour réussir ». Quelles en sont les principales recommandations ?

J’ai essayé d’analyser les freins à l’innovation dans notre pays. Le rapport remis au Premier Ministre constitue la traduction législative des Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche. Il est donc à l’origine du projet de loi soumis à l’Assemblée nationale le 22 mai où la question de l’enseignement supérieur et de la recherche a été traitée sans pour autant aborder totalement celui de l’innovation. La loi précise la définition de la mission de transfert des universités et la notion de formation tout au long qui ont un lien avec l’innovation dans la mesure où l’innovation est le continuum logique de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Selon vous, quels sont les leviers qui permettraient de mieux favoriser les activités de transfert de technologies ?

La France a un bon niveau d’enseignement supérieur et de recherche. Les indicateurs en matière de présence économique positionnent la France au 5e rang mondial. Par contre, en matière d’innovation, la France est 17e. Cela traduit un réel problème de transfert. J’ai demandé à ce que ce point soit traité dans le projet de loi mais une loi ne suffit pas. Il faut modifier les comportements, la culture et donner l’envie d’innover aux générations futures en modifiant la culture d’apprentissage des connaissances. De plus, plutôt que de parler d’innovation, je pense qu’il serait préférable de parler de service à la société. L’innovation, c’est l’art d’intégrer le meilleur état des connaissances à un moment donné dans un produit ou un service afin de répondre à un besoin exprimé par les citoyens ou la société.
D’autre part, l’innovation, quelle que soit sa forme (marketing, social, technologique…), se heurte à la peur d’innover. Le frein majeur est le risque. Or, innover c’est changer et changer c’est risquer. Le risque est trop souvent dominant dans notre culture. Il faut montrer aux étudiants que les avancées de la connaissance sont nécessaires mais qu’il y a toujours une part de risques dans un processus d’innovation. A mon sens, il faut insister sur l’enseignement de l’innovation dès le plus jeune âge en développant le goût de la science, le goût de faire soi-même par des travaux personnels encadrés par exemple, stimuler la créativité, aider les associations qui travaillent dans ce domaine et, surtout, modifier les comportements vis-à-vis de l’échec. Il faut arrêter de considérer qu’un échec est une voie sans issue. Il faut considérer un échec comme un apprentissage, un retour d’expériences. Il est nécessaire de sensibiliser aux innovations pédagogiques ; l’innovation n’est pas que technologique.

Dans quelle mesure les SRC peuvent-elles mettre leur singularité au service de la politique de transfert public-privé ?

Etre capable d’intégrer le meilleur état des connaissances, cela signifie que l’on se donne les moyens de ce transfert et que l’on donne envie de risquer. La croissance de demain va être basée sur l’industrie et les services et notre capacité à développer de nouvelles filières pour améliorer notre mode de vie comme avec l’informatique ou les biotechnologies. La France doit capter les tendances et les évolutions pour définir les filières qui vont lui permettre de créer de la valeur et de la richesse pour ses territoires. L’innovation de filière c’est avoir les meilleures compétences dans un domaine, dans une université, et regrouper ensuite des PME, faire du soutien coopératif, créer du lien entre ces entreprises et les laboratoires de recherche grâce aux SRC. La France doit s’appuyer sur les structures comme les SRC pour aider au développement de filières. Créer du lien entre ceux qui produisent la recherche et ceux qui la transfèrent. La Silicon Valley en est le meilleur exemple. On a vu de la même manière des clusters sur les biotechnologies se développer aux USA ou en Inde. Croiser la matière grise et les développements technologiques, croiser l’organisation et les produits pour créer l’innovation. L’innovation est un produit, un procédé et une organisation.

L’ASRC et ses adhérents doivent donc contribuer à la constitution d’écosystèmes d’innovations à l’échelle régionale aux côtés de la recherche publique. Je pense que l’avenir de la France est dans les écosystèmes régionaux. Toutes les régions ne feront pas la même chose mais à l’image des Pôles de compétitivité, des IRT et des clusters, il faudra faire des choix technologiques. L’ASRC a pour rôle de participer à cet effort pour faire progresser la place de la France en matière d’innovation.

 

Article paru dans le numéro de septembre 2013 de 360° R&D