Louis SCHWEITZER, CGI

Interview de Louis SCHWEITZER, Commissaire général, Commissariat général à l’investissement

« Le PIA a vocation à tirer l’industrie vers davantage d’innovations et de collaborations. Les SRC sont forcément dans ce paysage. »

Le 29 mars 2016, France Stratégie vous a remis son rapport d’examen à mi-parcours du Programme d’investissements d’avenir (PIA). Quel bilan tirez-vous des premiers PIA ?

Le PIA respecte un principe d’évaluation à mi-parcours pour mesurer les effets des actions engagées. Le rapport pointe une initiative originale qui a produit des effets positifs à la fois quantitatifs et qualitatifs. Le PIA a pour principe de soutenir uniquement l’excellence et l’innovation. Notre approche est de soutenir les meilleurs et notre ambition est de créer des coopérations là où il y a un déficit en la matière.

Toutefois quelques dérives l’ont éloigné de ses objectifs initiaux et ont été soulignées dans le rapport du comité d’examen à mi-parcours :

  • plusieurs actions ne financent pas des dépenses exceptionnelles d’investissement mais servent simplement à remplacer des crédits supprimés par ailleurs dans le budget de l’État
  • la défaillance de marché que le PIA prétend pallier n’est pas toujours évidente en particulier pour quelques fonds dédiés au numérique
  • l’effet de levier des financements privés n’est pas toujours perceptible dans les actions du PIA, à l’exception notable des IRT qui donnent satisfaction en la matière les principes du PIA ont parfois été écartés pour satisfaire des demandes locales, politiques ou syndicales dans le cas notamment de l’action Aide à la réindustrialisation.

Enfin, selon moi, il faut allier vitesse et simplicité et progresser sur ces deux points. Ma priorité est d’avoir des processus simples dans les appels à projets pour atteindre un délai de 3 mois maximum entre le dépôt d’un projet et la contractualisation.

Le PIA a pour objectif de transformer l’économie française. La continuité des actions engagées par mes prédécesseurs est essentielle, c’est pourquoi j’ai plaidé pour un PIA 3 qui sera soumis au parlement en 2016 pour être opérationnel dès 2017.

Quelles sont les grandes orientations qui se dessinent pour le PIA 3 ?

Nous avons annoncé 10 milliards d’euros pour soutenir l’innovation française (voir encadré). Nous orientons davantage notre soutien vers les fonds propres et travaillons en étroite collaboration avec Bpifrance en acceptant de prendre des risques élevés aux côtés des investisseurs privés. Nous soutiendrons également les régions à la hauteur de 500 millions d’euros répartis entre des dotations décennales et des fonds propres. Nous proposerons à chaque région une dotation initiale ; et, pour les plus dynamiques, nous engagerons de nouveaux financements.

De nouvelles structures sont possibles comme une société d’accélération du transfert de technologies (SATT) en Normandie ou des Instituts hospitalo-universitaires (IHU) mais pour l’essentiel nous nous appuierons sur les organismes existants sans en créer de nouveaux. Notre ambition est de clarifier et simplifier le paysage pour le consolider. Les soutiens seront traités individuellement dans une logique d’excellence.

Pour le PIA 3, nous publierons des appels à projets et à manifestation d’intérêt dans tous les secteurs y compris le tourisme et l’industrie agroalimentaire. Je souhaite élargir le PIA à tous les secteurs tout en conservant notre ligne directrice de l’excellence, de l’innovation et de la coopération. Répondre à un appel à projet c’est passer un examen ; le nombre de lauréat n’est pas limité et, si un secteur est particulièrement actif, nous réitérons les appels. Toutes les bonnes idées qui ont besoin d’un financement public seront soutenues. Mon ambition est qu’il n’y ait pas d’idée qui ne puisse pas voir le jour en France faute de soutien financier.

Dans cet état d’esprit, nous souhaitons identifier des territoires emblématiques, visibles et attractifs pour mettre en œuvre de nouvelles technologies multiples (numérique, santé, habitat, traitement des déchets, énergie, mobilité). 5 à 10 territoires d’intérêt national en innovation seront sélectionnés. Ils concentreront des technologies émergentes testées en vraie grandeur en coordination avec les acteurs locaux et en y associant les usagers. Ces living labs permettront non seulement de proposer au marché des technologies ayant fait la preuve de leur robustesse, de leur acceptabilité sociale, mais aussi de travailler en avance de phase sur les normes, les standards, la réglementation, autant d’éléments au moins aussi déterminants que les brevets.

Quelle place les SRC peuvent-elles prendre dans ce nouveau schéma pour soutenir l’ambition du PIA 3 en matière de recherche et d’innovation industrielle ?

Si nous nous appuyons sur les institutions en place comme les pôles de compétitivité, les IRT, les ITE, les SATT, les IHU et les Instituts Carnot, le PIA a vocation à tirer l’industrie vers davantage d’innovations et de collaborations. Les SRC sont forcément dans ce paysage. Notre intérêt est d’encourager les structures en place comme les SRC qui interviennent sur un niveau de maturité technologique souvent plus aval et peuvent, en cela, trouver des synergies avec les acteurs que j’ai pu citer.

PIA 3, les sommes qui seront engagées :

  • Subventions : 4 milliards d’euros
  • Fonds propres : 4 milliards d’euros
  • Dotations décennales (enseignement supérieur et recherche) : 2 milliards d’euros