Foire aux questions du webinaire du 17/10/16

Mise en ligne de la foire aux questions sur la rémunération des inventions de salariés

L’Observatoire de la PI a présenté le 17 octobre 2016 les résultats de son étude sur le thème de la rémunération des inventions de salariés : tour d’horizon des pratiques en vigueur dans les entreprises françaises. L’ASRC et l’INPI ont organisé, sous la forme d’un webinaire, une retransmission en ligne de cette conférence qui s’est déroulée dans les locaux de l’INPI à Courbevoie. Les réponses apportées par l’INPI aux questions posées lors de ce webinaire ont fait l’objet d’une foire aux questions.

Le régime des inventions de salariés s’applique-t-il aux logiciels ?

L’article L. 113-9 du CPI dispose  » Sauf dispositions statutaires ou stipulations contraires, les droits patrimoniaux sur les logiciels et leur documentation créés par un ou plusieurs employés dans l’exercice de leur fonction ou d’après les instructions de leur employeur sont dévolus à l’employeur qui est seul habilité à les exercer « . Cette disposition a été introduite en droit français par la loi du 3 juillet 1985 relative à la protection des logiciels par le droit d’auteur.

Au terme de cet article, l’employeur devient le titulaire des droits d’exploitation sous réserve toutefois que le logiciel ait été créé dans l’exercice des fonctions du salarié.

Toutefois, ce régime dérogatoire emporte des limites que représente le droit moral de l’auteur du logiciel. En effet, le salarié reste titulaire du droit moral sur le logiciel créé. Ainsi, le salarié créateur pourra s’opposer à la modification de son logiciel si celle-ci est préjudiciable à son honneur ou à sa réputation.

Enfin, la titularité des droits patrimoniaux de l’employeur sur le logiciel créé par son salarié ne porte que sur les programmes, composantes du logiciel (codes sources ou codes objet, interfaces) et la documentation.

Les chiffres qui sont donnés au titre de la rémunération supplémentaire représentent une moyenne par inventeur, mais que se passe-t-il s’il y a plusieurs inventeurs ensemble sur une invention ?

On divise généralement le montant estimé de la rémunération supplémentaire par le nombre d’inventeurs.

Dans le cadre d’une invention liée à la mission, le contrat de travail peut-il dire : « Pour toute invention (brevetée ou non), la rémunération sera de 1€ » ?

La loi de 1990 pose le bénéfice d’une rémunération supplémentaire dont la fixation du supplément de salaire revient aux parties dans le cadre du contrat de travail ou accord, ou aux partenaires sociaux (convention collectives) ou, à défaut d’accord entre l’employeur et le salarié, à la Commission Nationale des Inventions de Salariés (CNIS) ou aux Tribunaux.

La loi ne fixe aucun repère quant à la fixation de cette rémunération. Toutefois, il a été décidé que les clauses des conventions collectives ou du contrat de travail moins favorables aux salariés que le régime légal étaient nulles ou inopposables au salarié, ce qui serait probablement le cas d’une rémunération se montant à 1€.
En cas de silence des conventions collectives, ou de clauses dans le contrat de travail voire d’accord, c’est aux Tribunaux ou à la CNIS que revient le soin de fixer la rémunération.

Est-ce que la rémunération sur l’exploitation d’un brevet s’applique pour un salarié qui a quitté la société?

Oui, le salarié doit avoir eu un contrat de travail avec l’entreprise à la date de réalisation de l’invention.

Un ancien salarié peut donc réclamer une rémunération supplémentaire au titre de son invention, si au moment de son élaboration il était lié à l’entreprise qui l’exploite par un lien de subordination.

Le délai de prescription pour réclamer cette « créance salariale » est de 3 ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer (article L3245-1 du code du travail). Cette connaissance réelle ou potentielle dépend de plusieurs critères et notamment des fonctions exercées par le salarié au sein de l’entreprise, lesquelles lui procurent, ou non, une connaissance de la situation de son invention (dépôt et délivrance de brevet, exploitation…) (jurisprudence très variable).

Cette rémunération supplémentaire s’applique même si le salarié a déjà reçu des primes au dépôt/délivrance pendant sa présence?

La rémunération supplémentaire doit intégrer l’intérêt économique de l’invention, ce que ne prend pas en compte une prime calculée exclusivement au dépôt et/ou à la délivrance.

Dans les exemples de rémunération présentés celles-ci intègrent-elles les royalties qui peuvent être versées lors de l’exploitation du brevet sur plusieurs années par exemple ? Existe-t-il un pourcentage moyen du prix de vente affecté aux royalties à verser aux inventeurs ?

Non. La rémunération doit certes prendre en considération l’intérêt économique mais elle demeure une prime et ne saurait être calculée par le biais d’un pourcentage indexé sur les bénéfices réalisés par l’invention.

Quelle forme contractuelle doit prendre la rémunération? Faut-il établir un contrat entre l’inventeur et l’employeur ou une simple lettre suffit-elle?

Depuis 1990, la gratification supplémentaire n’est pas une option. Elle est obligatoire et doit être prévue dans le contrat de travail ou le cas échéant par les conventions collectives ou les accords d’entreprise.

Dans l’enquête, il a été question de l’application du dispositif des inventions de salariés aux stagiaires. Or, il me semblait que sauf disposition contractuelle spécifique, l’invention faite par un stagiaire non salarié lui appartenait.

C’est exact. Si ce dispositif a été appliqué par les entreprises de l’enquête, c’est que ces dernières ont toutes accompagné l’arrivée de stagiaires par des dispositions conventionnelles prévoyant le sort des éventuelles inventions réalisées par eux. A défaut, les inventions leur appartiennent effectivement.

Pour les stagiaires, ce sont seulement les inventions hors missions qui leur appartiennent ? Les inventions pendant la mission de stage appartiennent-elles à l’entreprise ? Une rémunération est-elle recquise ?

L’invention appartient toujours au stagiaire inventeur, sauf contrat particulier en sens contraire (voir question précédente).

Alors que les inventions des salariés reviennent presque toujours à l’employeur, le principe est inverse lorsqu’il s’agit de stagiaires. La loi prévoit que « le droit au titre (…) appartient à l’inventeur ou à son ayant cause ». Ainsi, le stagiaire qui créerait une invention serait, par principe, la seule personne légitime à demander un brevet dessus.

Mais l’inventeur peut transmettre tout ou partie de ses droits à son maître de stage ou à l’entreprise qui l’a recruté. Il conviendra dans ce cas d’envisager un encadrement contractuel quant à la titularité des droits nés des créations du stagiaire.

En tout état de cause il n’est plus question ici d’invention de mission ou hors mission attribuable, ni de rémunération supplémentaire, puisque nous ne sommes pas dans le cadre du régime des inventions « de salarié ».

Même par rapport à l’affaire Puech, vous pensez que la rémunération des inventions des stagiaires n’est pas obligatoire ?

L’affaire Puech n’a pas conclu que la rémunération supplémentaire n’était pas obligatoire mais, bien au-delà, que le régime des inventions de salarié ne s’appliquait pas au stagiaire non salarié, lequel est donc purement et simplement propriétaire des inventions réalisées pendant son stage, en vertu de principe général selon lequel le droit au titre appartient à l’inventeur.

Elle nous apprend en outre qu’il n’est pas possible pour la structure d’accueil de devenir ayant cause du stagiaire, et à ce titre de bénéficier des droits sur toute invention qu’il pourrait réaliser, en lui faisant signer un règlement intérieur, celui-ci constituant une violation de la loi.

Dans cette affaire, le règlement prévoyait l’affectation à la structure d’accueil de toute demande de brevet qui serait déposée sur la base de travaux réalisés lors du stage. Mais l’objet d’un règlement intérieur est d’assurer le bon fonctionnement d’un service, pas d’édicter « une règle affectant les droits des usagers en ce qu’elle vise à les déposséder de leur titre de propriété »

Par conséquent, seul un contrat particulier pourra constituer l’entreprise d’accueil en qualité d’ayant cause du stagiaire.

Comment traiter les élèves inventeurs qui ne sont ni agents publics, ni stagiaires ?

Un élève inventeur est propriétaire de son invention. Dès lors qu’il y aurait un fort accompagnement ou investissement de la part de la structure dans laquelle l’élève étudie, on pourrait imaginer un dispositif contractuel identique à celui des stagiaires et ce au profit de l’école. Toutefois, les élèves inventeurs étant le plus souvent mineurs, cela nécessiterait une convention avec les parents.

Est-il obligatoire pour un employeur en France d’informer ses employés que ce régime de rémunération existe ?

Il n’existe pas d’obligation d’information pesant sur l’employeur mais une obligation de :

  • informer l’inventeur de tout dépôt et délivrance de brevet
  • verser à l’inventeur la contrepartie financière prévue par la loi.

Quid des agents publics (CNRS, INSERM…) ? S’agissant d’un établissement public. Si dans le cadre d’une invention à plusieurs inventeurs, une profession n’est pas visée par l’article R611-14-1 du CPI (décret 2005-1217) pour les inventions de mission, l’inventeur non visé par ce texte doit-il qualifier son invention d’hors mission attribuable pour se voir attribuer « un juste prix » ? Et dans ce cas, le « traitement » différent des inventeurs sur une même invention en qualité de rémunération n’est-elle pas source de litige ?

Non, le droit à la rémunération supplémentaire est acquis à tous, y compris aux agents publics non visés par R. 611-14-1. Ces derniers sont dans la situation de certains salariés du secteur privé, soit le droit à une rémunération sans disposer de dispositions plus précises.